Derrière le crédit bancaire, les dispositifs à actionner pour anticiper et conserver une trésorerie en bon état de marche.
Deux problématiques s’imposent aujourd’hui à un chef d’entreprise : celle de l’accès au crédit de trésorerie, et celle de sa gestion au quotidien. Pour gérer ces deux postes, son interlocuteur privilégié reste, bien sûr, sa banque. Mais les établissements ont durci leurs relations avec les PME et les TPE qui constituent le tissu central du dynamisme économique français… quelles sont donc les offres de services et produits qui existent aujourd’hui sur le marché à leur destination ? Derrière les classiques solutions bancaires, l’affacturage bien sûr, mais aussi différents logiciels et applications mobiles qui permettent de faciliter la gestion au quotidien, donc l’anticipation.
par Héloïse de Neuville
Notre pays compte 3,1 millions de PME et de TPE, soit 99,8 % des entreprises : elles sont le poumon de l’activité économique de la France. Et ces sociétés sont largement dépendantes des banques pour le financement de leur trésorerie. Or, l’accès aux prêts est aujourd’hui difficile. Pour les TPE, le constat est sombre : selon le Syndicat des indépendants (SDI), “le tiers des TPE se voit refuser toute facilité de caisse pour des besoins compris, dans 75 % des cas, entre 5 000 et 15 000 euros”. Selon la Fédération bancaire française (FBF), dans l’absolu, l’accès au crédit de trésorerie des TPE a baissé à 59 % au troisième trimestre de 2015 (contre 65 % le trimestre précédent). Pour les PME, le constat est meilleur. Selon la FBF, les trois quarts d’entre elles ont obtenu totalement ou en grande partie les crédits demandés au troisième trimestre 2015. Mais ces chiffres sont l’objet d’une incompréhension pour les chefs d’entreprise qui vivent de vraies difficultés d’accès au crédit au quotidien.
Par la voix des organisations patronales, TPE et PME se plaignent régulièrement du manque d’accès au crédit de trésorerie. Et en effet, toujours selon la Banque de France, seulement 7 % des PME ont demandé un nouveau crédit de trésorerie au 3e trimestre 2015. Pour les TPE, sur la même période, ce chiffre s’élève à 9 %. C’est donc la mise en perspective entre la baisse de la demande et les taux d’obtention qui crée ce décalage de perception.
Pour François Perret, directeur général de Pacte PME, cette faible demande de crédit pourrait correspondre à “un phénomène d’autocensure des patrons”. Beaucoup de dirigeants ne solliciteraient pas de prêts car “ils estiment que les conditions de la reprise ne sont pas réunies, ou car ils anticipent le refus de leur banquier”. Un constat qui contribue à alimenter un climat anxiogène pour les petits patrons. Et une étude réalisée par American Express en mars 2014 nous renseigne sur la difficulté à des patrons à gérer leur trésorerie. 50 % des PME et TPE déclarent manquer de temps pour la gérer au quotidien, alors qu’ils la considèrent être une tâche essentielle. Elles sont donc confrontées à un double défi : celui de l’accès au crédit de trésorerie et la gestion de leur trésorerie en elle-même.
Ces problèmes ne sont pas réservés aux seules entreprises en difficulté : quand une société est en plein développement, la trésorerie peut également représenter une préoccupation majeure, par exemple quand les décaissements dus à l’investissement ou à une grosse commande sont supérieurs aux encaissements. À première vue, la problématique semble basique, mais une société a une myriade de contraintes et d’échéances qui peuvent transformer la gestion de trésorerie en un vrai casse-tête. Parmi elles, les délais de paiement fournisseurs et clients.
Le fléau des retards de paiement
Les retards dans les délais de paiements interentreprises représentent un quart des défaillances des entreprises françaises chaque année, et 15 milliards d’euros en manque à gagner de trésorerie. D’après le ministère de l’Économie, seulement un tiers des entreprises règle ses factures en temps et en heure. Pour lutter contre ces délais qui ne cessent de s’allonger, la législation s’est renforcée. Dans le privé, la loi Hamon de mars 2014 instaure un nouveau délai de paiement pour les factures récapitulatives qui ne peut désormais dépasser 45 jours à compter de la date d’émission de la créance. En cas de non-respect de cette disposition, les professionnels encourent une amende administrative dont le montant peut aller jusqu’à 375 000 euros. Ce montant a depuis été augmenté à 2 millions d’euros par la Loi Macron
Dans le secteur public, c’est une disposition de la loi Macron qui viendra bousculer les échéances. À partir de 2017, l’État s’engage à payer les entreprises au bout de 20 jours, contre 30 jours aujourd’hui pour les commandes publiques. Car les délais de paiement peuvent être longs. C’est le cas pour Clémentine Parâtre, cofondatrice de Processus. Sa TPE propose à des entreprises et des collectivités territoriales, des formations à destination des employés et des cadres. Elle est intervenue l’année dernière dans une PME. La formation était prise en charge financièrement par le Fonds national pour l’emploi. Et pour faire face aux délais de paiement qui se sont étalés sur plusieurs mois, elle a dû ouvrir des nouvelles lignes de crédit à la banque, pour pouvoir payer ses propres prestataires en temps et en heure !
Le classique financement bancaire
Même si la loi s’est durcie en matière de délais de paiement, les chefs d’entreprise y sont toujours confrontés. Quels sont les outils bancaires auxquels ils peuvent faire appel en cas de resserrement de trésorerie ? La solution la plus immédiate est le crédit de caisse ; c’est un découvert autorisé qui permet de faire face à un besoin ponctuel de trésorerie. Il est étalé sur une très courte durée. Il est généralement facile à obtenir mais la banque détient le pouvoir de mettre fin à cette tolérance, sans justification.
Il y a ensuite le découvert autorisé, outil très utilisé par les PME et les TPE. Il permet d’être débiteur pendant plusieurs semaines ou plusieurs mois, avec une date butoir à laquelle le compte de l’entreprise doit redevenir créditeur. Deux inconvénients : le niveau élevé des intérêts et son processus d’obtention plus formel ; pour se protéger des défauts de paiement, la banque exige des garanties de sûreté, généralement une caution personnelle.
Enfin, il existe les crédits de campagne, particulièrement adaptés aux secteurs d’activité saisonniers : les chefs d’entreprise peuvent demander en amont un crédit de trésorerie pour couvrir leur période d’activité. Le remboursement est effectué au fur et à mesure grâce à l’argent gagné durant la phase d’activité la plus intense.
La normalisation de l’affacturage
Mais si la banque refuse un crédit, l’entreprise peut s’orienter vers une solution d’affacturage. C’est la solution qu’a choisie Arnaud Cabal, patron d’XL Group, une PME créée en 1998 dans le domaine de l’imprimerie, un secteur aujourd’hui en crise. Dès le début, il est passé par le crédit bancaire classique : d’abord par des découverts autorisés court terme, puis ces découverts se sont transformés en financement moyen terme. Faisant progressivement face à des besoins plus structurels, sa banque l’a orienté vers le service d’affacturage de General Electrics qu’il utilise depuis 4 ans. Pour lui, c’est une solution “par défaut” qui présente des contraintes. Son coût bien sûr, mais aussi les garanties demandées. Le factor exige de son client qu’il contracte un contrat d’assurance vis-à-vis de son client, (la société d’affacturage peut elle-même en souscrire un), pour se prémunir contre le non-recouvrement des créances. Or, selon lui, “les sociétés d’affacturage sont très exigeantes sur la solidité financière des entreprises”. D’une manière générale, l’affacturage a eu longtemps une mauvaise image en France. Solution marginale, elle envoyait un signal négatif : l’entreprise qui y avait recours était considérée en difficulté. Aujourd’hui, le système s’est généralisé : il arrive en deuxième position de financement de trésorerie court terme derrière le découvert bancaire.
Si l’affacturage affiche une forte croissance (+9 % au 3e trimestre 2015), un autre système émerge dans les relations commerciales entre un grand compte et ses sous-traitants : l’affacturage inversé. “C’est une solution plus bénéfique aux PME et TPE et elle permet aux grands comptes d’apparaître comme plus vertueuses”, explique François Perret. Le principe ? Ce n’est plus le fournisseur qui va solliciter la société d’affacturage, mais c’est la grande entreprise cliente qui va lui céder sa dette. Cette dernière paie les factures des fournisseurs au factor, selon un délai convenu. La société d’affacturage règle immédiatement les fournisseurs après déduction d’un escompte pour paiement comptant. Le fournisseur conserve ainsi le même niveau d’endettement. Même si la solution reste pour l’instant assez marginale (5,1 % du marché de l’affacturage), de grands groupes comme Orange, Siemens ou EDF s’y sont convertis.
Accompagnement quotidien, le tournant numérique
Les établissements bancaires proposent de plus en plus de solutions en ligne pour aider à la gestion quotidienne de la trésorerie, étant de plus en plus concurrencés par d’autres acteurs non bancaires pour le financement et la gestion de la trésorerie des PME et des TPE : assureurs, plateformes de crowdfunding, société de gestion… Selon, François Perret, “les banques ont dû élargir leurs offres digitales de gestion face à cette concurrence. Elles ne se contentent plus de financer les entreprises, elles étoffent nettement leur service quotidien d’accompagnement”.
La Banque de France (BDF) a annoncé en janvier dernier, par la voix de son gouverneur François Villeroy de Galhau, l’installation dès l’automne prochain “d’un correspondant TPE dans chaque succursale départementale” : “sa mission sera de prévenir les difficultés en amont. Il sera un premier point de contact pour orienter ensuite les entreprises vers les réseaux professionnels qui, eux, délivreront le support adapté” explique-t-il. Autre innovation mais numérique cette fois : la BDF va mettre à disposition des entreprises un outil d’analyse et de simulation en ligne, qui permettra au dirigeant “d’apprécier la situation financière de son entreprise”.
Et la BDF n’est pas la seule à prendre le tournant digital. La Caisse d’Epargne vient ainsi de lancer Diagentrepreneur, une solution digitale gratuite d’aide à la gestion financière, particulièrement adaptés aux structures qui n’ont pas les moyens de rémunérer un directeur financier et/ou un expert-comptable. Après s’être identifié à l’aide d’un numéro Siret, le dirigeant accède à toutes les données financières concernant son entreprise : chiffre d’affaires, rentabilité, trésorerie, taux d’endettement, délais clients ou fournisseurs… La grosse valeur ajoutée de la solution : l’onglet “comparer”, permettant d’avoir accès aux données des concurrents dans un rayon allant jusqu’à 40 km, utile pour voir si les délais de règlement à ses fournisseurs sont les mêmes que ceux des entreprises avoisinantes et du coup, engager des discussions pour, par exemple, allonger ses délais en cas de resserrement de la trésorerie.
Pour gérer la trésorerie, l’offre des logiciels de gestion n’est pas en reste : il en existe des dizaines. Parmi elles, Tréseuro de Sorexfi. Ce type de solution propose aux entreprises d’anticiper sur leur stratégie financière en mettant à disposition une multitude d’informations : tous les comptes bancaires sont réunis sur une seule plateforme, il est possible de créer des budgets prévisionnels, la liste des échéances est disponible… Ces logiciels de gestion ont un coût, mais la plupart sont abordables pour les TPE.
Enfin, certaines start-up comme SmallBusinessAct proposent des applications clé en main sur smartphone pour éviter aux PME-TPE et artisans de se retrouver dans des situations de trésorerie délicates, et ainsi être en bonne position pour échanger sur leurs besoins avec leur banquier.
Aujourd’hui, les dirigeants d’entreprise ne peuvent plus se permettre d’avoir une simple logique comptable de leur trésorerie, ils doivent l’agrémenter d’une vision stratégique, quelle que soit la solution d’aide qu’ils choisissent. Avec un mot-clé : l’anticipation.
SOURCE: http://www.lenouveleconomiste.fr/lesdossiers/cash-management-la-gestion-de-tresorerie-multi-leviers-29766/